Service B. Le réseau d'espionnage le plus secret de la Seconde Guerre mondiale.
Fayard, 1985, in-8°, 342 pp, 20 pl. de photos et documents hors texte, notices biographiques, index, broché, bon état
"Voici un excellent livre de vacances pour qui aime les romans d'espionnage. Chacun sait, en effet, qu'un roman d'espionnage n'est vraiment bon que lorsqu'il n'est pas... un roman et qu'il n'est qu'une mise en forme d'un dossier bien réel. C'est le cas de Service B. On peut s'étonner que, dans le grand tintamarre qui a entouré la projection du film de Mosco ; les Terroristes à la retraite, personne, ni dans la presse, qui consacra pourtant à l'affaire Manouchian des dizaines et des dizaines de pages souvent bien venues, ni dans l'indigent débat qui eut lieu au petit écran, n'ait eu l'idée d'aller chercher chez Faligot et Kauffer quelques-unes des réponses aux questions posées dans et par le film de Mosco. Pourtant, le livre venait de paraître et, conçu à l'écart d'une polémique de presse hâtivement nouée, il apportait de précieuses données et un éclairage que deux enquêteurs, spécialistes de divers services spéciaux, aussi confirmés que nos deux auteurs, avaient pris le temps de rendre sûrs. Qu'est-ce que le Service B ? « Le réseau d'espionnage le plus secret de la Seconde Guerre mondiale », répond la jaquette du livre. Le plus secret ? A vrai dire pas plus secret qu'un autre : « resté secret » aurait mieux convenu. Les communistes n'ont pas en effet pour habitude, sauf exceptions dues le plus souvent à des luttes politiques internes, de gaspiller et révéler leurs secrets une fois le délai raisonnable écoulé. Pas de prescription pour eux en la matière : voilà pourquoi rien n'avait jusqu'ici été écrit sur ce qui avait été le service de renseignements, l'équivalent d'un deuxième bureau, dont la résistance militaire communiste, les F.T.P., s'était dotée comme, de son côté, l'avait fait la résistance militaire gaulliste, avec le B.C.R.A. C'est un service de renseignements dépendant de l'état-major des F.T.P. qui est ici minutieusement décrit – avec les lacunes inévitables mais toujours très honnêtement soulignées et reconnues – par Faligot et Kauffer, grâce à une enquête directe auprès d'une multitude de survivants, mais aussi grâce à la possibilité qui leur fut donnée d'exploiter des archives miraculeusement demeurées en des mains privées. Par-delà les mille visages et péripéties ici évoqués, une conclusion essentielle se dégage : tandis que les services de renseignements gaullistes constituaient une instance de triage qui, autonome, communiquait ce qu'elle entendait communiquer aux Alliés, britanniques et américains, de la France libre (ce qui faisait d'ailleurs qu'opéraient parallèlement en France occupée des réseaux indépendants directement reliés à l'appareil militaire allié), le service de renseignements communiste – ce Service B – était à l'évidence non seulement contrôlé par, mais intégré au quatrième bureau de l'état-major de l'Armée Rouge c'est-à-dire la direction du renseignement militaire soviétique, celle qui, aujourd'hui, est connue sous les initiales du G.R.U. On vient, par exemple, d'assister à une discussion pour savoir de qui dépendaient en fait le groupe Manouchian et surtout ses cadres. On a soupçonné que la direction politique clandestine du P.C.F., en la personne de Jacques Duclos, n'était pas à même de prendre certaines décisions stratégiques affectant le secteur militaire des organisations comme la M.O.I. C'est probablement vrai. Mais contrairement à ce qu'on a dit, ce n'est pas le Komintern – d'ailleurs dissous le 15 mai 1943 même s'il devait aussitôt partiellement renaître sous la forme d'un secrétariat international du P.C. de l'Union soviétique – et ce n'est pas davantage le N.K.V.D. – le K.G.B. de l'époque autrement dit la police politique – qui avaient la haute main sur les cadres de l'action militaire dans les territoires européens occupés : à une époque où la dimension militaire des choses avait pour les dirigeants soviétiques une priorité absolue. C'était le G.R.U., c'est-à-dire l'appareil de renseignement de l'Armée Rouge, qui était la clef de voûte et l'instance de décision stratégique centrale même si les instances politiques locales étaient éventuellement tenues au courant des décisions prises. Il ne faut ni surestimer, ni sous-estimer cette intégration de l'appareil militaire communiste français dans le système militaire soviétique : ce n'était pas, même à l'époque, le tout du phénomène communiste français. Mais c'en était un aspect qui s'était mis en place dès le tournant des années trente et qui s'est prolongé bien au-delà de la victoire de 1945. Il valait la peine que cette histoire fût analysée et racontée avec la maîtrise dont font preuve Faligot et Kauffer." (Annie Kriegel)