Comment j'ai vu 1900.
Grasset, 1962-1973, 4 vol. pt in-8°, 252, 239, 254 et 272 pp, 45 pl. de photos hors texte, brochés, couv. illustrées, bon état
Les souvenirs délicieux et vifs de Pauline de Pange sont pour nous comme un conte de fées. Car l'arrière-petite-fille de Madame de Staël, et nièce de la comtesse de Ségur, a connu un monde plus proche du XVIIIe siècle que du nôtre. Un temps où l'on savait vivre heureux : l'hiver à Paris, dans de vastes demeures ; les jeux, les fiacres, les soirées somptueuses ; puis la transhumance estivale vers Dieppe, les demeures à la campagne, les déjeuners sur l'herbe... On a peine à croire qu'on ait pu vivre ainsi, il y a tout juste cinq générations : on perçait alors les Champs-Elysées pour y bâtir les deux palais de l'Exposition universelle ; on rêvait que bientôt le Métropolitain gronderait sous les pavés, et que des arches franchiraient la Seine d'un seul bond... C'était l'avenir. D'un œil complice mais ironique, tendre aussi, la petite fille d'alors nous tend la main et nous appelle : oui, ce monde-là a existé, ce monde d'hier c'est encore le nôtre, et quelle joie de s'y plonger ! C'était 1900. — Bien complet du quatrième volume, assez peu courant. 1. Comment j'ai vu 1900. ~ 2. Comment j'ai vu 1900. Confidences d'une jeune fille. ~ 3. Comment j'ai vu 1900. Derniers bals avant l'orage. ~ 4. Comment j'ai vu 1900. 1900 s'éloigne. Derniers souvenirs publiés avec une introduction et des notes par son fils le comte Victor de Pange. — 1. Comment j'ai vu 1900 : Pauline a grandi dans une famille vivant dans une tradition au parfum d'Ancien Régime, tout en ayant su entrer dans le monde moderne. Dans un hôtel particulier, deux valets gardent l'escalier d'honneur, un maître d'hôtel commande à quatorze domestiques et les repas sont aussi solennels qu'à la cour de Versailles. Un temps où l'on savait vivre heureux : l'hiver à Paris, dans de vastes demeures ; les jeux, les fiacres, les soirées somptueuses ; puis la transhumance estivale vers Dieppe, les demeures à la campagne, les déjeuners sur l'herbe... On a peine à croire qu'on ait pu vivre ainsi, au début du XXe siècle : on perçait alors les Champs Elysées pour y bâtir les deux palais de l'exposition universelle ; on rêvait que bientôt le métropolitain gronderait sous les pavés, et que des arches franchiraient la Seine d'un seul bond... C'était l'avenir. C'était 1900 ! – 2. Confidences d'une jeune fille : après son enfance, Pauline de Pange relate son adolescence dans ce deuxième volume de ses mémoires. On y retrouve la jeune Pauline, en 1903, adolescente de quinze ans errant d'ennui dans l'hôtel familial, entre des parents plus que conservateurs et une vieille nourrice envahissante. Plus ouverts, son frère et sa belle-soeur l'aideront à s'éloigner de ce "milieu factice". Avec eux, Pauline découvre le cinéma, la photographie, sort au Châtelet, à l'Odéon, voyage pour la première fois dans une automobile sans autre domestique qu'un chauffeur, découvre la Suisse, l'Italie. Exaltée par l'effervescence de ce XXe siècle commençant, elle se dit qu'on l'a élevée "avec les yeux fermés". Pauline abandonne ses capelines de soie beige et ses robes de broderie anglaise, oublie les leçons de maintien et les convenances, bien décidée à embrasser "un univers merveilleux où tout est en mouvement, où tout est à la fois promesse et menace". – 3. Derniers bals avant l'orage : après ses souvenirs d'enfance, puis d'adolescence, l'auteur en arrive ici à ses souvenirs de jeune fille, qui vont de 1907 – elle a dix-neuf ans – à la veille de la Grande Guerre... – 4. 1900 s'éloigne : "Quand, voici une douzaine d'années, la comtesse de Pange commença de raconter, dans la Revue des deux mondes, "comment elle avait vu 1900", on sentit qu'il y avait là quelque chose de tout autre qu'une évocation pittoresque ou brillante de la Belle Époque. C'était le "vrai" monde de Proust vu par une petite fille, puis par une adolescente dont la mémorialiste retrouvait tout le primesaut et la fraîcheur, avec une lucidité à la fois tendre et implacable. Le dessein fut poursuivi, le tableau élargi. Le troisième volume publié, elle voulait, en tout cas, s'en tenir là, et il a fallu de l'insistance pour qu'elle donnât celui-ci, qui est déjà bien loin de 1900. La guerre d'abord, où Mme de Pange remplit avec simplicité et constance des missions dangereuses : c'est pourtant dans ce chapitre que surgissent, une fois encore, l'insolite, le merveilleux, l'enfance ; puis la grande tâche, avec Jean de Pange, dans l'Alsace en état de "malaise" ; enfin, des voyages, et le tableau de famille et d'histoire de la "phratrie" Broglie, les deux princes, ses frères, Maurice et Louis, leurs travaux, leur gloire, le prix Nobel... C'est le dernier regard en arrière d'une âme ferme et sereine que le malheur n'a pas épargnée. Le matin même de sa mort, la comtesse de Pange voulait dicter la préface du livre : c'est à son fils qu'est revenu ce soin." (Yves Florenne, Le Monde)