Le Reliquaire de la France.
P., Maurice Devriès éditeur, v. 1930-1950, 10 vol. in-4° (34,5 x 25,5 cm), l'ensemble sous emboîtage cartonné toilé grège ; soit 9 volumes reproduisant 100 fac-similés contrecollés sur papier fort de documents autographes authentiques des plus grandes personnalités historiques françaises, du Moyen Age au 19e siècle (avec le texte en regard de chaque document reproduit) ; et un dixième volume paru en 1946 (Du fond de l'abîme vers la résurrection) reproduisant 46 autographes, documents et photos relatifs à la seconde guerre mondiale en France
1. Pièces rarissimes sur la grande et la petite Histoire. – 2. Quelques reliques émouvantes du passé. – 3. Reliques émouvantes ou curieuses de l'Histoire. – 4. Quinze documents historiques curieux et rares. – 5. 150 ans de conquête des cœurs. – 6. Une dernière sélection de 15 émouvantes reliques. – 7. De l'officier corse au martyre de Sainte-Hélène. – 8. Quelques reliques émouvantes de l'Histoire de France. – 9. Une gerbe éblouissante de pièces historiques. – 10. Du fond de l'abîme vers la résurrection. — "La publication toute récente d'« Une gerbe éblouissante de pièces historiques », dernier album d'une collection vraiment unique de fac-similés, ramène l'attention sur le long et méritoire effort d'un chercheur érudit, M. Maurice Devriès, qui depuis vingt ans explore les bibliothèques, les musées, les administrations publiques, les collections particulières de France et de l'étranger pour y découvrir les pièces les plus dignes d'être proposées à notre vénération. En rassemblant ainsi, par une méthode de reproduction dont il a le secret et dont l'exactitude est surprenante, ces documents rarissimes mais épars, c'est un musée innombrable de l'histoire de France que M. Maurice Devriès fait pénétrer chez nous ; ses albums mettent en effet dans nos mains une image si fidèle de ces précieuses reliques qu'on croit voir les originaux avec leurs maculations, leurs ratures, leur encre jaunie, leur papier vieilli, aux angles usés, aux bords amincis, les taches de sang d'un Marat et d'un Robespierre, ou la trace des larmes d'une Marie-Antoinette qu'attend la charrette fatale. Si l'on tentait un essai de classement de toutes les pièces dont se compose cette collection on serait amené à grouper d'une part les documents qui relèvent de la grande histoire ainsi vulgarisée, et d'autre part ceux qui apportent à la petite histoire, par des faits piquants généralement ignorés, une non moins précieuse contribution. Feuilletons ensemble les pages de ce dernier album paru : ce texte en elzévir, c'est le serment que devaient prêter au XV siècle les "apoticaires chrestiens et craignans Dieu". Ils juraient notamment "de ne médire d'aucun de leurs anciens maistres", de n'enseigner point "aux idiots" les secrets de la médecine, de respecter les femmes, de ne leur donner jamais à boire aucune potion abortive, "de ne donner jamais à boire aucune sorte de poison à personne, et ne conseiller à aucun d'en donner, non pas mesmes à ses plus grands ennemis". Sur cette autre page est inséré le gracieux billet de Louis XIII enfant à sa bonne nourrice : la nature sensible et refoulée du fils de Henri IV, sevré de tendresses par son insupportable mère Marie de Médicis, apparaît toute dans cette prière touchante : "Memie Vitry, je désire que vous me véniés bien tost voir et que me reniés tousiours vostre bon amy. Loys." Tournons encore quelques pages. Nous avons sous les yeux une lettre de Latude, dit Danry, l'aventurier aux six noms, lettre adressée à la marquise de Pompadour. Il s'avise après cent quatre-vingt-huit jours de dure captivité à la Bastille, puis au donjon de Vincennes, qu'il est grand temps pour lui d'afficher un vif repentir et d'implorer grâce et pardon. Un stupide stratagème de son invention l'a poussé, dans l'espoir de soutirer quelque argent à la favorite de Louis XV, à lui dénoncer un attentat par colis explosif dirigé contre sa personne, alors qu'il était lui-même l'auteur de cet envoi, d'ailleurs inoffensif. Cette sottise devait lui valoir trente-cinq ans d'internement, entrecoupé d'évasions précaires qui chaque fois aggravèrent son cas. En quels termes essaie-t-il d'apitoyer sa "victime" ? "Si la misère, gémit-il, présé par la faim, ma fait comettre une faute contre votre chère personne, ça na point été dans le dessint de vous faire aucun mal... Si la divine personne du plus grand Roy de la terre me fait la grâce d'obtenir de votre générosité la liberté, je mourray plutôt et mangeray que des racines avant que de l'exposer une seconde fois." La poignante supplique de ce malheureux provient du fonds "Bastille" de la bibliothèque de l'Arsenal. Elle demeura sans réponse. Parvint-elle jamais à destination ? Nous avons gardé pour la fin une lettre du cher grand Lamartine, datée d'octobre 1824. Le poète a trente-quatre ans, ses Premières Méditations (1820) et ses Nouvelles Méditations (1823) lui ont ouvert toutes grandes les voies de la renommée ; un bout de ruban rouge obtenu par faveur n'ajouterait rien à sa gloire naissante, et pourtant il le sollicite. Petite faiblesse d'un grand poète ! Il écrit au bas d'une lettre banale, qui n'a d'autre objet que d'amener ce post-scriptum, sans avoir l'air d y toucher : "Si réellement vous êtes en veine de crédit et de puissance, ne pourriez-vous pas me faire avoir la croix de la Légion d'honneur ? Vous vous étonnez de ma vanité, mais cela aurait pour moi quelques résultats qui ne seraient pas tous vanité." M. Devriès ne nous donne pas le nom de l'homme "puissant" à qui était adressée cette requête. Quoi qu'il en soit, Lamartine fut fait chevalier, mais n'accéda jamais à de plus hauts grades. Sans doute en eut-il moins le goût à mesure que la destinée le comblait d'honneurs plus solennels. Se rappelle-t-on sa boutade à un ami qui postulait la croix ? "Qu'est-ce qu'un honneur qu'on perd en ôtant son habit !" Le temps qui change tout change aussi nos humeurs." (Maurice Duval, Le Monde,1950)